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Département de Géographie

École normale supérieure

Deux siècles d’artificialisation


Un bassin fluvial vaste et complexe

Le bassin rhénan recouvre 185 000 km2. Il mesure 1250 km de long, depuis l’arc alpin, à travers le fossé d’effondrement hercynien jusqu’à la mer du Nord, où il se déverse avec un débit moyen de 2200 m3/s. Son régime fluvial est conditionné à la fois par les Alpes, qui fournissent une importante alimentation printanière, et par les hautes eaux en provenance des affluents du cours moyen, qui pallient le déficit suscité en amont par la rétention nivale. La navigation est ainsi assurée toute l’année.

L’espace que le Rhin traverse n’ayant pas d’unité géographique, on a coutume de distinguer plusieurs tronçons.

  • le système d’affluents des Alpes. Le cours d’eau naît dans le Sud-est de la Suisse sur le flanc Sud du mont Saint-Gothard, dans le canton des Grisons. Deux cours d’eau, le Rhin antérieur (Vorderrhein) 68 km de long, et le Rhin postérieur (Hinterrhein) 57 km de long, charrient les débris glaciaires et la neige fondue. Les deux rivières confluent et forment le Rhin alpin au Nord de la ville suisse de Coire. Celui-ci se jette ensuite dans le lac de Constance.
  • le haut Rhin, du km 0 fixé par la Commission du Rhin jusqu’à Bâle. Il déploie son cours entre le Jura et la forêt Noire, servant de frontière entre la Suisse et l’Allemagne. Le courant y reste, comme dans les Alpes, rapide et imprévisible du fait de la présence d’affluents montagneux, au premier rang desquels l’Aar.
  • le Rhin supérieur de Bâle à Bingen est le plus haut tronçon du fleuve ouvert au trafic de la mer du Nord. Le Rhin quitte alors les Alpes et grossit des eaux du Main et du Neckar. Il coule à travers la grande vallée du Ried, vaste plaine d’inondation au pied des Alpes entourée par les Vosges et le massif du Hardt à l’Ouest et la forêt Noire et l’Odenwald à l’Est.
  • le Rhin moyen, de Bingen à Cologne est rejoint par la Moselle à Coblence. Les hautes collines et les canyons ont contraint la croissance industrielle et l’étalement urbain en lui accordant un caractère plus naturel et préservé.
  • le Rhin inférieur : son cours n’est plus contraint par les montagnes. Il traverse la Ruhr et se charge des eaux de l’Erft, Wupper, Ruhr, Emscher, Lippe. 
  • le delta : le Pannerden Canal, construit au XVIIIès, fait bifurquer le Rhin vers le Waal et le Nederrjin-Lek, qui débouchent dans le delta commun à la Meuse et au Rhin. Le delta est relié à Rotterdam via le Waal et le Nieuwe Waterweg ainsi qu’à l’estuaire de l’Ijssel, ce qui permet au trafic d’atteindre le mer du Nord par une large série de ports.

Au total la section alpino-jurassienne représente un quart de la superficie du bassin mais près de la moitié du débit total, ce qui donne au Rhin supérieur son aspect torrentiel. Au contraire, dans le tronçon germano-suisse jusqu’à Mayence, la pente s’atténue de 0,9 à 0,1 %O ce qui entraîne la formation de multiples bras plus ou moins passifs : le « Rhin sauvage », ainsi que de méandres. A Bingen le fleuve s’encaisse dans une gorge étroite de 400 m de large à travers le rebord escarpé du massif hercynien et se fraie un passage au pied de la Lorelei. A la sortie du défilé il emprunte la vaste plaine de l’Europe septentrionale et se jette dans la mer du Nord par un delta allant de Zwolle jusqu’aux îles de Zélande

Deux siècles de rectifications 

Axe majeur de circulation et d’occupation humaine, le Rhin fait progressivement l’objet d’importants travaux d’aménagement. Il se transforme peu à peu en un vaste canal assurant le transport des marchandises et confortant dynamismes économiques et urbains. Cette entreprise de rectification progressive du cours du fleuve est indissociablement liée aux réflexions juridiques engagées à son propos ainsi qu’aux enjeux géopolitiques qu’il incarne. Plusieurs conceptions se succèdent ainsi, de l’amélioration de la navigabilité, liée au souci de limiter les inondations, à la domestication pour répondre aux besoins industriels et énergétiques.

Les transformations induites par le dynamisme économique

Le Rhin structure plusieurs espaces industriels, de l’avènement du bassin charbonnier et sidérurgique de la Ruhr à partir de la première révolution industrielle, au dynamisme de la Sarre et de la Lorraine après la canalisation de la Moselle dans les années 50. Cette concentration industrielle a tout autant transformé le Rhin que les politiques volontaristes envisagées précédemment. Le fleuve est peu à peu mis au service d’une concentration croissante d’usines et de populations se disputant son utilisation en concurrence avec l’agriculture.

L’implantation des industries se combine avec les travaux de régulation du cours du fleuve. Ainsi sur le Rhin supérieur la navigation a été facilitée par la construction de barrages hydroélectriques et l’aluminium, le textile, la chimie ont poussé le long le long des barrages pour profiter de l’abondante fourniture en eau et en électricité bon marché. En Rhénanie-Westphalie la concentration près du fleuve a un double avantage. L’eau peut être utilisée pour le refroidissement et le rejet des eaux usées et sa proximité immédiate permet de bénéficier de bonnes infrastructures de transport et du débouché sur la mer du Nord. Les régions limitrophes du Rhin demeurent les moteurs de l’économie allemande et de l’économie européenne en général. Environ un tiers des cent plus grandes entreprises allemandes ont leur siège en Rhénanie du nord-Westphalie, notamment à Cologne et Düsseldorf.

Les premières transformations induites par le dynamisme économique de l’espace rhénan remontent à la révolution industrielle du XIXès, dont la Ruhr incarne la réussite rhénane. Le charbon et le fer transforment en peu de temps la Rhénanie-Westphalie d’un paysage agricole à un paysage industriel. L’exploitation minière a eu un impact profond sur la qualité comme l’écoulement des eaux. En effet les puits altèrent de manière permanente la manière dont le bassin collecte et répand ses eaux, et cette eau doit être tout le temps pompé, ce qui a un profond impact sur le fleuve et son hydrologie. Le fonctionnement des machines à vapeur comme la purification du charbon étaient grandes consommatrices et les fabriques d’acier de Krupp à Essen utilisaient chaque jour autant d’eau qu’une cité allemande de 250 000 à 300 000 hommes. Le nombre croissant des activités industrielles fit également grimper le déficit en eau. Or les firmes minières et métallurgiques étaient suffisamment puissantes pour transformer le cours d’eau selon leurs desseins. Le premier défi fut ainsi de distribuer de l’eau de l’Emscher, de la Ruhr et de la Lippe pour traiter plus facilement les rejets des mines et la fabrication du métal. La solution choisie fut d’utiliser l’Emscher comme un égout à ciel ouvert et de préserver la Ruhr comme source d’eau propre pour les industries. Le second défi consistait à mettre en œuvre un approvisionnement régulier en eau pour que la production ne soit pas perturbée en période de sécheresse et des barrages furent construits.

Le Rhin est également un couloir de la chimie dans lequel se concentrent 5 des plus grandes firmes pharmaceutiques : Bayer, BASF (Badische Anilin und Soda Fabrik), Aventis (anciennement Hoechst), Novartis et Roche. Contrairement aux régions d’industrie lourde où les reconversions ont été douloureuses, la chimie est un secteur industriel qui est parvenu à se maintenir. Ainsi en Rhénanie du Nord-Westphalie le groupe Bayer a constitué un « parc de la chimie » s’étendant sur plus de 3,4 km2 et avec près de 630 bâtiments industriels.

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