La politique des transports se met parfois au service de projets dont l’ambition dépasse le simple transport de voyageurs. La création du quartier Euralille, aménagé autour de la gare Lille-Europe, s’est faite avec la volonté de dépasser le passé industriel de Lille en construisant un nouveau pôle tertiaire. Ce n’est pas un hasard si les infrastructures de transport sont si visibles dans le quartier. Elles donnent au projet sa cohérence matérielle et symbolique et sa viabilité et ont permis à Euralille de devenir le 3ème quartier d’affaires en France (après La Défense et La Part-Dieu).
[Légende : La tour du Crédit Lyonnais (conçue par l’architecte Ch. de Portzamparc) enjambe la gare de Lille Europe. L’aménagement d’un vaste pôle d’intermodalité des réseaux de transports entre les gares de Lille Flandres et Lille Europe a été l’occasion, pour la municipalité lilloise, de promouvoir un ambitieux projet de requalification urbaine : Euralille. Source : Photographie réalisée par Nicolas Toraille.]
Le quartier Euralille a été créé en limite du centre historique de Lille, sur les friches militaires des fortifications et casernements. Le projet a donc représenté la possibilité de reconvertir un espace en attente en un lieu porteur de dynamisme économique pour la ville.
Le projet, lancé au milieu des années 1980 par Pierre Mauroy, ne prend réellement corps qu’après l’acceptation par la SNCF du tracé de la ligne TGV Paris-Londres et son passage par Lille : un quartier d’affaires ne peut être créée qu’à la condition que Lille soit un nœud du système de transports à l’échelle européenne. L’ambition lilloise est bien de capter les flux de voyageurs d’affaires entre Londres et Paris afin de permettre le développement de l’agglomération. Elle se fonde sur la politique des transports. Ce n’est d’ailleurs qu’avec l’arrivée de la LGV en 1994 qu’est inauguré le quartier Euralille.
La gare créée pour l’occasion, Lille-Europe, œuvre de l’architecte J-M. Duthilleul, a la spécificité d’être non seulement une gare TGV mais aussi une gare centrale : le TGV passe en cœur de ville (ce qui ne représentait pas le tracé le plus efficace pour la liaison Paris-Londres !). Le projet Euralille se fonde sur la volonté de faire de la nouvelle gare le point d’appui de l’extension du centre-ville.
L’architecture globale du quartier, à partir du projet de l’architecte phare néerlandais Rem Koolhaas, témoigne de l’importance des transports dans la requalification de ces terrains abandonnés. Les infrastructures de transport sont mises en valeur et participent à la nouvelle image de marque, moderne mais surtout dynamique, que la ville et la métropole de Lille veulent se donner.
Les larges ouvertures de la gare Lille-Europe permettent à la fois à la lumière d’entrer dans la gare et aux trains d’entrer symboliquement dans la ville : l’infrastructure de transport est mise en avant.
De même, le viaduc Le Corbusier, qui relie la gare de Lille-Europe à l’ancienne gare de Lille-Flandres, est à la fois une infrastructure de transport et un objet d’architecture destiné à faire partie intégrante de la vie des citadins et des voyageurs.
Mais la réussite du projet est passée avant tout par la réalisation d’un véritable nœud sont multipliées pour faire des deux gares lilloises le centre de communication autour du quartier Euralille.
L’intermodalité sur laquelle s’appuie le quartier d’affaires est évidente et permet de faire de celui-ci le lieu par excellence des articulations d’échelle dans l’agglomération lilloise : aux liaisons TGV (ouvertes à des enjeux nationaux et internationaux) s’ajoute une desserte importante en transports en communs de proximité. La ligne 2 du métro automatique de Lille s’y arrête, ainsi que plusieurs lignes de bus et le tramway. Au total, plus de 85600 déplacements Transpole et 23 millions de voyages SNCF animent chaque année le quartier Euralille (1).
Si le quartier Euralille, constitué d’une accumulation d’œuvres architecturales hétéroclites, possède néanmoins une cohérence, c’est par les infrastructures de transport autour duquel il s’est construit. Celles-ci laissent aujourd’hui espérer la réussite des prochaines avancées du projet : le nouveau quartier Euralille 2, en cours de réalisation, est lui aussi construit autour des voies ferrées et du périphérique lillois.
A plus fine échelle, les transports urbains sont utilisés pour transformer les quartiers, jouant cette fois de l’articulation entre transport collectif et espaces de mobilités pédestres. C’est le cas par exemple à Roubaix et à Tourcoing où l’arrivée du VAL (ligne 2 en 1999) a été une opportunité de développement, ce que la revue Le Moniteur appelle « le lifting des villes du versant nord-est » de l’agglomération (2). Les alentours de l’espace public des stations ont en effet étés réaménagé pour tenter une requalification des quartiers traversés.
On citera l’exemple de la Grand’Place de Roubaix ou du centre commercial Mac Arthur Glen, devant la station Eurotéléport : l’accessibilité introduite par le métro a été aussi décisive que la requalification urbanistique dans l’implantation de ce pôle.
(1) http://www.saem-euralille.fr/
(2) http://www.lemoniteur.fr/119-toute-l-info/article/enquete-evenement/410896-la-nouvelle-ligne-de-metro-dynamise-l-agglomeration-lilloise