Chercheuse à l’ITEM et responsable de l’équipe Valéry, Benedetta Zaccarello travaille sur la philosophie contemporaine à partir de l’étude de ses documents manuscrits et de ses archives. Elle coordonne le réseau de recherche international (IRN) « AITIA – Archives of International Theory : an Intercultural Approach » financé par le CNRS (2020-2024) et fédérant des centres de recherche et archives européens et indiens.
Evénements
Séminaire de Benedetta Zaccarello (ITEM, CNRS/ENS) : « Transferts culturels et critique génétique en contexte indien : remarques sur les manuscrits et archives d’Aurobindo Ghose », Mardi 1er octobre
Séminaire général de critique génétique / 2024-2025 : 01/10/2024, ENS, 29 rue d’Ulm, 75005 Paris – Salle Émile Borel (U203), (17h-19h00)
Né à Calcutta en 1872, Aurobindo Ghose fait ses études en Angleterre depuis l’âge de sept ans. À son retour dans le pays natal, après une formation universitaire à Cambridge, il parle plusieurs langues européennes et maîtrise le grec, le latin et le sanskrit. Imprégné de sa formation occidentale, il s’adonne à une revalorisation de la culture indienne qui marquera profondément la « Indian renaissance » des années suivantes. De ce même élan, visant à réinterpréter les relations entre civilisations dans une perspective d’interdépendance évolutive et transnationale, prendront essor une copieuse production théorique aussi bien qu’une carrière politique. Premier combattant pour la liberté de son pays, premier recteur de la première université libre sous la domination anglaise, Aurobindo Ghose marquera l’histoire politique de son pays comme l’histoire de la philosophie indienne de langue anglaise du XXe siècle.
Réfugié dans les territoires à l’époque français de Pondichéry, Aurobindo y restera pendant plus de 40 ans, jusqu’à la fin de sa vie. Il y établira son ashram avec l’artiste, écrivaine et yogini française Mirra Alfassa (dite « Mère ») qui accueillera plusieurs disciples français et fondera plus tard Auroville. Aujourd’hui, les archives de la Sri Aurobindo Ashram abritent des collections exemplairement conservées, recelant les traces scripturaires de l’évolution sur plusieurs décennies du système de pensée du maître. Mais à travers ces documents, nous pouvons également observer la vie d’une communauté interculturelle, où les disciples pratiquent la poésie et discutent de littérature au même titre que de leur recherche intérieure, ainsi que le dialogue intellectuel et spirituel se tissant entre Aurobindo et Mirra et qui aura des fortes influences sur l’œuvre du premier.
L’histoire de ces genèses multiples et interreliées semble pouvoir nous fournir des éléments pour une réflexion méthodologique, du fait du contexte indien et transculturel de ces écritures, mais aussi en raison de la situation particulière d’une telle production.
Dans cette présentation, il s’agira de revenir sur trois éléments de ce corpus, afin de mettre en lumière autant de spécificités génétiques observables à travers ces collections :
La revue philosophique Arya, publiée simultanément à Pondichéry et à Paris entre 1914 et 1920, lieu génétique de sept œuvres majeures de Sri Aurobindo, écrites donc simultanément, du moins dans leur version initiale.
Les échanges avec les disciples qui, après 1926, se font au moyen de cahiers de demandes/réponses et qui ont été à l’origine des premiers ouvrages de divulgation du « yoga » de Pondichéry : ici, le lieu génétique de ces opuscules des années 1930 se trouve dans les correspondances, ce qui relève d’une autorialité partagée et collective.
Enfin, la genèse de l’œuvre philosophique majeure de Sri Aurobindo, The Life Divine, initialement conçue pour les colonnes d’Arya, révisée pendant plusieurs décennies et prolongeant des commentaires inachevés à Isha Upanishad qui dans les manuscrits portent le même titre.