La culture, matrice de nouvelles centralités au sein de la métropole
L’usage de la culture comme outil de stratégie urbaine peut conduire à la dynamisation de certaines zones délaissées et sinon à un rééquilibre, du mois à une réorganisation des territoires. Ainsi, la tentative d’inscrire l’île de Nantes dans un processus de renouvellement urbain s’est conçue en grande partie par la réappropriation culturelle de cet espace périphérique, fonctionnant comme un trait d’union entre le passé industriel de la métropole et l’avenir qu’on chercher à lui construire. A l’instar de la Friche de la Belle-de-Mai à Marseille, la culture a donc joué le rôle d’un catalyseur du réaménagement urbain avec en particulier les deux éléments-clés que constituent la Fabrique, ancien blockhaus réinvesti en centre des musiques actuelles, et les Machines de Nantes. Il s’est également traduit par la décision prise par Nantes Métropole en mai 2009 d’établir sur la partie ouest de l’île un « Quartier de la Création » dont l’objectif est de regrouper dans un même lieu industries créatives et établissements d’enseignement et de recherche. Ainsi, à côté de l’Université de Nantes s’installeront, entre autres, l’école des Beaux-Arts, l’école du design, Sciences Com’, une maison de l’Architecture et un immeuble de médias. Cette coalition d’institutions et d’entreprises liées entre elles par des partenariats permet la constitution d’un cluster culturel dont la principale qualité doit être de fonctionner comme un « accélérateur de métropole » (cette expression est tirée du titre de l’ouvrage de Brigitte Bertoncello et Jérôme Dubois intitulé Marseille Euroméditerranée, accélérateur de métropole, éditions Parenthèses, 2010). Par la création d’emplois et l’effet d’entraînement qu’il devrait assurer, ce projet ne s’inscrit pas seulement à l’échelle de la ville mais vise l’ensemble du territoire métropolitain.
Quand la peinture murale devient pratique culturelle institutionnalisée
Ce chat rouge peint sur les murs de la Fabrique, nouveau centre des musiques actuelles, symbolise l’intégration aux pratiques artistiques institutionnalisées d’un art souvent considéré comme issu des cultures populaires et plus précisément du street art. Stratégie de marketing, cette institutionnalisation renforce l’image de l’Île de Nantes, et plus largement, de l’ensemble de la ville, comme lieu culturel d’importance. (Photo : Aude le Gallou)
La culture, instrument de cohésion métropolitaine
Si la ville de Nantes concentre en son sein une intense vie culturelle, elle conçoit également des projets en lien avec son espace régional qui instituent la culture comme un outil majeur de la cohésion du territoire métropolitain.
En témoignent les trois éditions du festival Estuaire en 2007, 2009 et 2012, parcours artistique qui relie Nantes à Saint-Nazaire le long des 60 km de l’estuaire de la Loire, par un chapelet d’œuvres contemporaines réalisées in situ. Ce projet, imaginé par Jean Blaise et les équipes du Lieu Unique, a la particularité d’associer sa valeur culturelle à une stratégie politique de développement du territoire. Ainsi, le choix des sites est pensé pour que la plupart des communes riveraines de l’estuaire abritent une œuvre et se trouvent intégrées à la programmation artistique de l’événement, conçu pour avoir un impact durable. Si en effet une partie des œuvres présentées ne durent que le temps de l’événement, entre le mois de juin et le mois d’août, d’autres sont installées définitivement sur le territoire. Cette durabilité du projet, matérialisée par un réseau d’œuvres pérennes, renforce le « lien symbolique » entre les espaces de la métropole et tend à transformer l’estuaire en un véritable « trait d’union » (voir l’article d’Emmanuelle Lequeux, « Le voyage à Nantes », dans Le Monde daté du 15 juin 2012). L’Estuaire remplit donc ses fonctions d’auxiliaire à la construction de la métropole Nantes Saint-Nazaire. De plus, la relative déconcentration des activités culturelles implantées à Nantes, comme l’organisation de concerts de La Folle Journée dans des communes de la région, complète le processus de cohésion de la métropole.
Toutefois, si la culture apparaît comme une modalité nécessaire à la dynamique de métropolisation nantaise, force est de s’interroger sur son efficacité réelle ainsi que sur les conséquences de son instrumentalisation. Ne risque-t-elle pas de créer de nouveaux déséquilibres ?
Localisation des principaux sites d’« Estuaire »
La répartition des différents sites du festival « Estuaire » le long de la Loire montre bien, malgré la volonté d’associer l’ensemble du territoire métropolitain, le fort tropisme vers le centre-ville de Nantes (© Anima Productions - source : www.estuaire.info).