Contrairement à une représentation tenace, il n’y a pas de lien systématique entre amélioration de l’accessibilité et croissance économique. Dans certains cas, l’amélioration de l’accessibilité a pu même contribué à renforcer les inégalités interrégionales en encourageant la relocalisation de certaines activités dans les régions les plus riches ou les plus qualifiées au détriment des autres régions, comme pour les nouveaux Länder allemands après la réunification. De nombreuses études ont insisté sur l’absence de lien direct, de cause à effet entre le développement d’une infrastructure de transport et le développement de la région qui en bénéficie, ce lien monocausal relevant du mythe (1). Dans une logique systémique, il faut envisager l’ensemble des éléments dont l’interaction favorise ou non l’implantation de nouvelles entreprises.
C’est pour cette raison qu’il est primordial de penser l’implantation des gares dans des contextes où elles pourront véritablement contribuer à faire advenir des projets de développement. A cet égard, l’implantation de la Gare Lille-Europe au cœur de la métropole est un succès. Et malgré cette implantation, un observateur avisé ne pourra manquer de constater que le développement du réseau TGV au-delà des frontières françaises n’a pas conféré à Lille la stature de métropole européenne dont certains rêvaient. Seul 5% du trafic de voyageurs des gares lilloises se fait vers l’international contre près de deux tiers vers Paris et près d’un tiers vers les autres régions françaises.
Comme le souligne Philippe Ménerault, enseignant-chercheur à Lille I et à l’IFSTTAR (ex-INRETS), il faut s’interroger sur la pertinence d’une troisième gare TGV située en périphérie de l’agglomération lilloise. A Seclin ou à Hénin-Beaumont, il est loin d’être assuré que ces territoires bénéficieront de cette implantation. De plus, en détournant une partie des trains s’arrêtant à Lille-Europe, elle pourrait bien réduire la desserte internationale de Lille, et partant de l’ensemble de la Région pour laquelle Euralille est la plaque tournante des transports, « l’espace nodal » par excellence (2).
(1) En géographie : en particulier Jean-Marc Offner (1993), « Les effets " structurants " du transport : mythe politique, mystification scientifique », L’Espace géographique, 3, 233-242.
En économie : travaux de la Nouvelle Economie Géographique sur les coûts de transport notamment.
(2) Philippe Ménerault et Alain Barré (2001), Gares et quartiers de gares, coll. Actes, Paris, Inrets.
[Illustration : Le développement du quartier d’affaire d’Euralille a été orchestré par l’architecte urbaniste Rem Koolhaas. Fondé sur l’implantation de la Gare TGV et Eurostar de Lille Europe, le quartier est situé à la confluence de nombreuses infrastructures de transport (TER, Métro, Tramway, Périphérique). C’est pourtant avec peine qu’Eurallile s’est développée : aujourd’hui seules trois des cinq tours planifiées ont été construites et leurs principaux occupants sont des institutions publiques ou parapubliques (GDF, EDF, Ozéo…). Source : Photographie réalisée par Martin Omhovère.]