Les obstacles à la rénovation urbaine
La politique de rénovation urbaine de la ville de Roubaix part d’un cadre paradigmatique très actuel, le développement durable, tout en faisant appel à la tradition de préoccupation sociale des municipalités du Nord. Malgré la forte volonté politique qui préside à la mise en œuvre de la politique de rénovation urbaine, celle-ci rencontre des obstacles de taille. Trois aspects sont ici à souligner : le financement d’abord, qui est le nerf de la guerre, les outils actuels de la rénovation urbaine, parfois inadaptés, et un cadre paradigmatique qui n’est pas exempt de toute critique.
La rénovation urbaine à Roubaix comme ailleurs requiert de lourds financements. Nous avons ainsi évoqué le coût des dépollutions. Celles-ci sont souvent réalisées par la ville, faute de pouvoir faire payer les anciens propriétaires des lieux dont les entreprises ont pu disparaître. Afin de procéder à la rénovation, la ville se doit de constituer des réserves foncières, principalement par l’acquisition de friches industrielles - ces réserves foncières sont pour une part constituées par le biais de l’Établissement Public Foncier du Nord-Pas de Calais, qui les transfère ensuite à la ville. L’acquisition de ces terrains est un investissement important.
De plus, l’effet des subventions n’est pas à négliger. Une subvention est en théorie égale à 50% de l’investissement total. Les subventions ont donc un « coût » paradoxalement élevé pour les municipalités qui les perçoivent car pour un euro reçu, il faut payer un euro sur les finances de la commune. Le maire de l’époque craignait ainsi de se voir asphyxié par les subventions et a diversifié les sources de financement jusqu’à parvenir à des montages financiers complexes pour réaliser les opérations de rénovation. Enfin, il reste que la gestion transitoire n’est jamais subventionnée, ce qui pose de lourds problèmes de financement.
Le tournant de l’ANRU
Les outils des politiques nationales de rénovation urbaine ne conviennent pas forcément à la réalité locale. La politique du Grand Projet Urbain (GPU) a été bien plus significative que celle mise en place dans le cadre de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) depuis 2003, qui prend prioritairement en compte l’habitat des grands ensembles. Les projets de l’ANRU sont ainsi inadaptés au tissu bâti de Roubaix, formé essentiellement de petit collectif bas, parfois de courées.
Il est donc plus difficile qu’avant d’attirer des financements publics. Les zones en difficulté dépourvues de grands ensembles comme les quartiers anciens, qui à Roubaix ont le plus besoin de cette rénovation, se trouvent ainsi délaissées par ces programmes et reléguées au second rang avec le changement de priorité apporté par l’ANRU. Ce changement a été d’autant plus difficile à gérer qu’il a généré une rupture avec les projets existants de longue date. Il a ainsi fallu refaire tous ces projets selon ce nouveau modèle et beaucoup de gens se trouvent donc en attente d’un projet qu’on leur avait promis et qui ne peut plus se concrétiser. Les habitants des quartiers anciens ne sont pas satisfaits, ce qui pose problème.
Des résultats indéniables, mais un bilan mitigé
Les opérations de rénovation urbaine à Roubaix ont eu des résultats mitigés. Les résultats les plus positifs sont liés aux projets culturels : le musée de la Piscine draine ainsi plus de 200 000 visiteurs par an - et jusqu’à 220 000 en 2010 grâce à l’exposition « Degas hors les murs » prêtée par la musée d’Orsay. Une opération de logements, en face de l’entrée du musée, a également été un succès. Néanmoins, la mairie n’a pas toujours eu d’influence sur les choix esthétiques de cette opération, qui étant une des premières à Roubaix, devait être acceptée sans remise en cause. Les ateliers de mode et de textiles ont également aidé à améliorer l’image de la ville. Il reste que l’impact de ces projets culturels sur la vie des Roubaisiens est difficile à évaluer et certains projets pourraient apparaître comme des « îlots » au sein de la ville.
Par ailleurs, la rénovation entreprise à Roubaix a suscité chez certains habitants une importante insatisfaction, que l’on peut relier aux problèmes d’articulation entre le moyen ou long terme de l’urbanisme et le court terme souhaité par les habitants. Ceux-ci attendent légitimement des interventions sur leurs habitations, plutôt que des projets de nature économique. L’abandon forcé de projets lié au GPU, du fait du changement de priorités induit par la création de l’ANRU en 2003, est difficilement acceptable.
Enfin, les opérations de nature « économiques » entreprises à Roubaix n’ont pas rencontré le succès espéré, en témoignent les très nombreux locaux rénovés qui demeurent vides, que les panneaux d’agences immobilières rendent très visibles.
En réalité, la rénovation doit aussi permettre d’organiser l’attente : un changement de court terme satisfaisant pour les habitants est difficile à réaliser considérant la situation économique et sociale de la ville, qui mettra longtemps à évoluer. La stratégie de rénovation urbaine se tourne ainsi vers le long terme, ce qui peut expliquer ce bilan pour l’instant mitigé, malgré un volontarisme local indéniable et de réels succès.